Des constructions distinctes, qui ne sont ni physiquement indissociables ni légalement nécessaires l’une à l’autre, ne peuvent être regardées comme formant un ensemble immobilier unique et n’ont pas à faire l’objet d’un unique permis de construire.
Cette décision du Conseil d’Etat précise les conditions dans lesquelles des constructions peuvent ou doivent faire l’objet d’un permis de construire unique, ainsi que les conditions dans lesquelles la (ou les) demande(s) de permis doi(ven)t être instruite(s).
Le Conseil y juge que “la construction d’un ensemble immobilier unique, même composé de plusieurs éléments, doit en principe faire l’objet d’une seule autorisation de construire, sauf à ce que l’ampleur et la complexité du projet justifient que des éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l’objet de permis distincts, sous réserve que l’autorité administrative soit en mesure de vérifier, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l’ensemble des permis délivrés ; qu’en revanche, des constructions distinctes, ne comportant pas de liens physiques ou fonctionnels entre elles, n’ont pas à faire l’objet d’un permis unique, mais peuvent faire l’objet d’autorisations distinctes, dont la conformité aux règles d’urbanisme est appréciée par l’autorité administrative pour chaque projet pris indépendamment“. (CE 28 décembre 2017, n°406782)
Vu la procédure suivante :
Mme F. D., Mme E. A., M. B. C. et M. G. D. ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler pour excès de pouvoir, d’une part, la décision du 17 janvier 2014 par laquelle le maire de Strasbourg ne s’est pas opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par la société d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B relative à la réhabilitation d’un immeuble de bureaux situé 7, quai Sturm à Strasbourg, d’autre part, l’arrêté du 27 mars 2014 par lequel le maire de Strasbourg a accordé à cette société un permis de démolir et un permis de construire en vue de l’édification d’un immeuble destiné à accueillir des logements sociaux situé à la même adresse. Par un jugement n° 1401299 et 1402883 du 6 juillet 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces deux décisions.
Par un arrêt n° 15NT01645 du 17 juin 2016, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel formé contre ce jugement en tant qu’il avait annulé la décision 17 janvier 2014 de non-opposition à déclaration de travaux et a transmis au Conseil d’Etat les pourvois formés, d’une part, par la SAS société d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B et la SCI foncière 3B et, d’autre part, par la commune de Strasbourg contre le jugement en tant qu’il avait annulé l’arrêté du 27 mars 2014 portant permis de démolir et permis de construire.
1°/ Sous le n° 406782, par un pourvoi et un mémoire, enregistrés les 28 août 2015 et 25 février 2016 au greffe de la cour administrative d’appel de Nancy, et par un nouveau mémoire enregistré le 23 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B et la société foncière 3B demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 6 juillet 2015 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu’il a annulé l’arrêté du 27 mars 2014 ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter dans cette mesure la demande introduite par Mme D. et autres devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) de mettre à la charge de M. D. une somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
2°/ Sous le n° 411764, par un pourvoi, enregistré le 18 août 2015 au greffe de la cour administrative d’appel de Nancy, et par un nouveau mémoire enregistré le 3 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Strasbourg demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du 6 juillet 2015 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu’il a annulé l’arrêté du 27 mars 2014 ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter dans cette mesure la demande introduite par Mme D. et autres devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) de mettre à la charge de M. D. une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
le code de l’urbanisme ;
le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Clément Malverti, auditeur,
les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de La Burgade, avocat de la Société d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B et autres, à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. D. et de Mme D. et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de la commune de Strasbourg ;
1. Considérant que les pourvois de la SAS société d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B et de la SCI foncière 3B, d’une part, et de la commune de Strasbourg, d’autre part, sont dirigés contre le même jugement ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B a acquis le 9 septembre 2011 une unité foncière composée d’un immeuble de bureaux, de locaux à usage de bureaux installé dans des anciennes écuries et de garages, située 7, quai Sturm à Strasbourg ; que, par décision du 17 janvier 2014, le maire de Strasbourg ne s’est pas opposé à la déclaration préalable de cette société relative à des travaux de réhabilitation de l’immeuble de bureaux ; que par arrêté du 27 mars 2014, le maire de Strasbourg a accordé à la société foncière 3B un permis de démolir et un permis de construire en vue de l’édification d’un immeuble collectif de 18 logements ; que, par un jugement du 6 juillet 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 17 janvier 2014 ainsi que l’arrêté du 27 mars 2014 ; que, par un arrêt du 17 juin 2016, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel formé contre le jugement en tant qu’il avait statué sur les conclusions dirigées contre la décision prise le 17 janvier 2014 sur la déclaration de travaux et a transmis au Conseil d’Etat les conclusions, qui présentent le caractère d’un pourvoi en cassation, formées par les sociétés d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B et foncière 3B et par la commune de Strasbourg contre ce jugement en tant qu’il avait annulé l’arrêté du 27 mars 2014 portant permis de démolir et permis de construire ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 421-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté attaqué : « Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d’un permis de construire » ; qu’aux termes de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme alors applicable : « Le permis de construire ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords et s’ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d’utilité publique […] » ;
4. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que la construction d’un ensemble immobilier unique, même composé de plusieurs éléments, doit en principe faire l’objet d’une seule autorisation de construire, sauf à ce que l’ampleur et la complexité du projet justifient que des éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l’objet de permis distincts, sous réserve que l’autorité administrative soit en mesure de vérifier, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l’ensemble des permis délivrés ; qu’en revanche, des constructions distinctes, ne comportant pas de liens physiques ou fonctionnels entre elles, n’ont pas à faire l’objet d’un permis unique, mais peuvent faire l’objet d’autorisations distinctes, dont la conformité aux règles d’urbanisme est appréciée par l’autorité administrative pour chaque projet pris indépendamment ;
5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que sur le terrain situé 7, quai Sturm à Strasbourg, cédé en septembre 2011 par l’Etat à la société d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B, étaient implantés, en front de quai, un immeuble de bureaux et, en arrière du terrain, des garages ; que si un projet initial de la société prévoyait la réalisation sur ce terrain d’un immeuble unique, intégrant à la fois l’immeuble de bureaux existant et une construction nouvelle implantée à la place des garages, la société a ensuite dissocié son projet en deux opérations distinctes consistant, après division foncière, pour l’une, en la réhabilitation de l’immeuble de bureaux existant et, pour l’autre, en la construction d’un nouveau bâtiment, physiquement distinct de l’immeuble existant et destiné à accueillir des logements sociaux ; que ces deux projets de construction distincts, qui font d’ailleurs intervenir deux maîtres d’ouvrage différents, sont implantés sur deux parcelles désormais séparées et n’ont en commun que l’institution d’une servitude de cour commune, sont indépendants l’un de l’autre ;
6. Considérant que la conformité de chacun de ces deux projets distincts aux règles d’urbanisme devait, ainsi qu’il a été dit précédemment, être appréciée par l’autorité administrative pour chaque projet pris indépendamment ; que, par suite, en annulant le permis contesté au motif que l’administration n’avait pas été en mesure d’évaluer l’incidence réciproque des deux projets et de porter une appréciation globale sur le respect des règles d’urbanisme, le tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois, que les sociétés et la commune requérantes sont fondées à demander l’annulation du jugement qu’elles attaquent en tant qu’il a annulé l’arrêté du maire de Strasbourg du 27 mars 2014 ;
8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge des sociétés d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B et foncière 3B et de la commune de Strasbourg, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ; qu’en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. D. une somme de 1 500 € à verser aux sociétés d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B et foncière 3B et une somme de 1 500 € à verser à la commune de Strasbourg ;
Décide :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 juillet 2015 est annulé en tant qu’il a annulé l’arrêté du maire de Strasbourg du 27 mars 2014.
Article 2 : L’affaire est renvoyée au tribunal administratif de Strasbourg.
Article 3 : M. D. versera une somme de 1 500 € aux sociétés d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B et foncière 3B et une somme de 1 500 € à la commune de Strasbourg en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. D. sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. G. D., à la société d’études et de réalisations immobilières et foncières 3B, à la société foncière 3B et à la commune de Strasbourg.