Permis valant autorisation d’exploitation commerciale et intérêt à agir du concurrent

Permis valant autorisation d’exploitation commerciale et intérêt à agir du concurrent

Un arrêt précise les conditions dans lesquelle s’apprécie l’intérêt à agir d’un concurrent qui conteste un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale.

Un arrêt précise les conditions dans lesquelle s’apprécie l’intérêt à agir d’un concurrent qui conteste un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale. La Cour de Nantes juge ainsi “qu’un professionnel dont l’activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d’être affectée par le projet n’est recevable à contester un permis de construire délivré à un concurrent qu’en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale”. (CAA Nantes, 25 janvier 2018, Société Distribution Casino France, n° 17NT01192)

Cf. le texte de cet arrêt ci-dessous:

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une ordonnance du 13 avril 2017, le président du tribunal administratif d’Orléans a transmis à la cour, sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-10 du code de l’urbanisme, la demande présentée par la société Distribution Casino France. Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 janvier 2016, la société Distribution Casino France, représentée par MeC…, demande à la cour :
1°) d’annuler l’arrêté n° PC 018 205 15 00014 du 9 septembre 2015 par lequel le maire de Saint-Doulchard a délivré à la société Saint Doulchard Distribution un permis de construire pour la réalisation d’un centre commercial d’une surface de plancher totale de 24 195,23 m² sur un terrain localisé au lieu-dit ” Champ des Quatre-vingt Boisselées ” et de la décision du 23 novembre 2015 rejetant son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Doulchard le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :- sa requête est recevable dès lors qu’elle agit en tant que riveraine du projet immobilier, qui est susceptible de modifier les conditions de circulation dans le secteur et notamment sur la RD n° 2076, et non en tant que société concurrente ; – il n’est pas établi que l’arrêté contesté a été signé par une autorité compétente ; – la mise à disposition du public du dossier de demande de permis de construire durant la période estivale a nui à l’information du public et a été de nature à influencer la décision contestée ;- le permis de construire litigieux a été accordé en méconnaissance des dispositions de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme dans la mesure où il concerne un ensemble immobilier unique qui aurait dû faire l’objet d’un seul permis de construire ;- le maire ne peut, sans méconnaître l’étendue de sa compétence, délivrer un permis de construire pour un projet dont les caractéristiques ne sont pas définitivement déterminées, ni pallier cette insuffisance en l’assortissant de prescriptions imprécises prévoyant notamment que le pétitionnaire devra respecter les règlements d’eau potable et des eaux usées de la communauté d’agglomération de Bourges Plus sans vérifier la conformité du projet à ces règles ou qu’il devra respecter les prescriptions émises par le conseil général du Cher ; – le permis de construire a été accordé en méconnaissance des dispositions de l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme, aujourd’hui reprises à l’article L. 111-6 du code de l’urbanisme, dès lors que le terrain d’assiette du projet, qui est longé par la RD n° 2076 classée comme route à grande circulation, ne fait pas partie d’un ” espace urbanisé “. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2017, la société Saint-Doulchard Distribution, représentée par MeE…, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Distribution Casino France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :- la requête est irrecevable dès lors que l’établissement de la société Distribution Casino France est distant de 1,8 à 2 km de son projet et que les travaux envisagés ne sont pas de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien ; – les moyens soulevés par la société Distribution Casino France ne sont en outre pas fondés.Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2017, la commune de Saint-Doulchard, représentée par MeA…, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Distribution Casino France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :- la requête de la société Distribution Casino France est irrecevable dès lors qu’elle n’est pas guidée par des considérations urbanistiques mais par des considérations exclusivement commerciales et concurrentielles ;- les moyens soulevés par la société requérante ne sont en outre pas fondés.
Un mémoire de production de pièces a été présenté le 27 juillet 2017 par la commission nationale d’aménagement commercial.

Vu les autres pièces du dossier.
Vu :- le code de commerce ;- le code de l’urbanisme ;- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :- le rapport de Mme Gélard,- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,- et les observations de MeB…, substisuant MeC…, représentant la société Distribution Casino France, de MeD…, substituant MeA…, représentant la commune de Saint-Doulchard, et de MeE…, représentant la société Saint Doulchard Distribution.1. Considérant que par deux arrêtés n° PC 018 205 15 00014 et n° PC 018 205 15 00020 du 9 septembre 2015, le maire de Saint-Doulchard a délivré à la société Saint-Doulchard Distribution deux permis de construire portant d’une part, sur la réalisation d’un centre commercial d’une surface de plancher totale de 24 195,23 m², composé d’un hypermarché E. Leclerc de 5 999 m², de 8 cellules commerciales sous la même enseigne d’une surface de vente de 1 367,50 m² et de 5 boutiques d’une surface totale de vente de 275 m² et, d’autre part, sur la création d’une station-service, sur un terrain situé au lieu-dit ” Champ des Quatre-Vingt Boisselées ” ; que la société Distribution Casino France, qui a entendu agir en tant que riveraine du projet immobilier et non en tant que société concurrente, a présenté un recours gracieux contre ces décisions, qui a été rejeté le 23 novembre 2015 par le maire de la commune ; que le 28 janvier 2016, elle a demandé au tribunal administratif d’Orléans d’annuler l’arrêté n° PC 018 205 15 00014 du 9 septembre 2015 ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ; que par une ordonnance du 13 avril 2017, le président du tribunal a transmis cette demande à la cour, laquelle a été enregistrée sous le n° 17NT01192 ;
2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L.752-17 du code de commerce : ” I.-Conformément à l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme, le demandeur, le représentant de l’Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d’aménagement commercial, tout professionnel dont l’activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d’être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d’un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d’aménagement commercial contre l’avis de la commission départementale d’aménagement commercial (…) II.-Lorsque la réalisation du projet ne nécessite pas de permis de construire, les personnes mentionnées au premier alinéa du I peuvent, dans un délai d’un mois, introduire un recours contre la décision de la commission départementale d’aménagement commercial. La Commission nationale d’aménagement commercial rend une décision qui se substitue à celle de la commission départementale. En l’absence de décision expresse de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, la décision de la commission départementale d’aménagement commercial est réputée confirmée. A peine d’irrecevabilité, la saisine de la commission nationale est un préalable obligatoire au recours contentieux. III.-La commission départementale d’aménagement commercial informe la Commission nationale d’aménagement commercial de tout projet mentionné à l’article L. 752-1 dont la surface de vente atteint au moins 20 000 mètres carrés, dès son dépôt. ” ; 3. Considérant d’autre part qu’aux termes de l’article L. 425-4 du code de l’urbanisme : ” Lorsque le projet est soumis à autorisation d’exploitation commerciale au sens de l’article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d’autorisation dès lors que la demande de permis a fait l’objet d’un avis favorable de la commission départementale d’aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d’aménagement commercial (…) ” ; 4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-1-4, introduit au code de l’urbanisme par la loi du 18 juin 2014 : ” Lorsqu’il est saisi par une personne mentionnée à l’article L. 752-17 du code de commerce d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l’article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l’annulation de ce permis qu’en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu’il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l’appui de telles conclusions. / Lorsqu’il est saisi par une personne mentionnée à l’article L. 600-1-2 d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l’article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l’annulation de ce permis qu’en tant qu’il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale sont irrecevables à l’appui de telles conclusions ” ; 5. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions qu’un professionnel dont l’activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d’être affectée par le projet n’est recevable à contester un permis de construire délivré à un concurrent qu’en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale ; 6. Considérant que pour contester le permis de construire délivré le 9 septembre 2015 à la société Saint-Doulchard Distribution pour la réalisation d’un centre commercial d’une surface de plancher totale de 24 195,23 m², composé d’un hypermarché E. Leclerc de 5 999 m², de 8 cellules commerciales sous la même enseigne d’une surface de vente de 1 367,50 m² et de 5 boutiques d’une surface totale de vente de 275 m², la société Distribution Casino France, qui exploite un magasin Géant Casino situé à 2 km, se prévaut de sa seule qualité de voisin et précise d’ailleurs expressément qu’elle n’entend contester cette décision qu’en tant qu’elle vaut autorisation de construire ; que par suite, sa requête est irrecevable et ne peut qu’être rejetée ;Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Doulchard, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Distribution Casino France de la somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Distribution Casino France le versement à la commune de Saint-Doulchard, d’une part, et à la société Saint-Doulchard Distribution, d’autre part, d’une somme de 1 000 euros chacune au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :Article 1er : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.Article 2 : La société Distribution Casino France versera à la commune de Saint-Doulchard, d’une part, et à la société Saint-Doulchard Distribution, d’autre part la somme de 1 000 euros chacune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution Casino France, à la commune de Saint-Doulchard, à la société Saint-Doulchard Distribution et à la commission nationale d’aménagement commercial.
Délibéré après l’audience du 3 janvier 2018, à laquelle siégeaient :- M. Pérez, président de chambre,- Mme Gélard, premier conseiller,- Mme Bougrine, premier conseiller.