Le maire a le pouvoir d’ordonner le rétablissement de la destination d’un immeuble

Le maire a le pouvoir d’ordonner le rétablissement de la destination d’un immeuble

Le Conseil d’État, au visa de l’article L 481-1 du code de l’urbanisme, juge que l’autorité administrative a la possibilité d’exiger le rétablissement d’une destination ayant été modifiée alors même que ce changement de destination ne s’était pas accompagné de travaux.

 

« Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par des arrêtés des 17 et 24 juin 2022, la ville de Paris a mis en demeure la société Frichti de restituer dans leur état d’origine les locaux qu’elle occupe à trois adresses parisiennes, dans un délai de trois mois, sous astreinte de 200 € par jour de retard. Par des arrêtés des 13, 24 et 29 juin et 15 et 28 juillet 2022, la ville de Paris a mis en demeure la société Gorillas Technologies France de restituer les entrepôts situés à six adresses parisiennes, dans un délai de trois mois, sous astreinte de 200 € par jour de retard. Par une ordonnance du 5 octobre 2022, contre laquelle la ville de Paris se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a suspendu ces décisions. Sur le champ d’application de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme :

2. Aux termes de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme : ” I. – Lorsque des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ainsi que des obligations mentionnées à l’article L. 610-1 ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable et qu’un procès-verbal a été dressé en application de l’article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l’infraction constatée, l’autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 peut, après avoir invité l’intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure, dans un délai qu’elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l’aménagement, de l’installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d’autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation. (…) “.

3. Ces dispositions, introduites dans le code de l’urbanisme par la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, permettent à l’autorité compétente, indépendamment des poursuites pénales qui pourraient être engagées, de prononcer une mise en demeure, assortie le cas échéant d’une astreinte, dans différentes hypothèses où les dispositions du code de l’urbanisme, ou les prescriptions résultant d’une décision administrative ont été méconnues, en vue d’obtenir la régularisation de ces infractions, par la réalisation des opérations nécessaires à cette fin ou par le dépôt des demandes d’autorisation ou déclarations préalables permettant cette régularisation. Il résulte de ces dispositions, prises dans leur ensemble et eu égard à leur objet, que, si elles font référence aux ” travaux “, elles sont cependant applicables à l’ensemble des opérations soumises à permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensée, à titre dérogatoire, d’une telle formalité et qui auraient été entreprises ou exécutées irrégulièrement. Il en est notamment ainsi pour les changements de destination qui, en vertu de l’article R. 421-17 du code de l’urbanisme, sont soumis à déclaration préalable lorsqu’ils ne sont pas soumis à permis de construire.

4. Par suite, en jugeant que le moyen tiré d’une méconnaissance du champ d’application de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme constituait un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées, au motif qu’il ressortait des pièces du dossier que le changement de destination en cause n’avait pas impliqué de travaux alors qu’un tel changement de destination était, à tout le moins, soumis à déclaration préalable, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit ».

Conseil d’État, 23 mars 2023, n°468360