Le Conseil d’Etat, par un arrêt du 27 octobre 2016, confirme que la redevance d’assainissement peut comprendre une partie fixe et précise sur quels critères peut reposer cette fraction.
Le Conseil d’Etat, par son arrêt du 27 octobre 2016, confirme que la redevance d’assainissement peut comprendre une partie fixe et précise sur quels critères peut reposer cette fraction.
Le Conseil d’Etat avait été saisipar une maison de retraite d’un recours contre un jugement du tribunal administratif de Bastia ayant jugé légal, sur question préjudicielle du juge judiciaire, les clauses réglementaires d’une convention de délégation de service public fixant le calcul de la redevance d’assainissement.
Le Conseil indique en premier lieu que les dispositions de l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales, qui prévoient que la facture d’eau comporte une partie fixe, ne s’appliquent pas à la redevance d’assainissement. « Toutefois, même en l’absence de dispositions législatives le prévoyant expressément, les dispositions réglementaires de l’article R. 2333-123 du code général des collectivités territoriales, alors en vigueur, aujourd’hui reprises à l’article R. 2224-19-2 du même code, ont pu légalement prévoir que : “La redevance d’assainissement collectif comprend une partie variable et, le cas échéant, une partie fixe”, à condition que le calcul du tarif de la redevance permette de garantir le caractère proportionné de celui-ci avec le coût du service rendu ».
Pour garantir cette proportionnalité, la tarification peut prendre en compte « les caractéristiques particulières du branchement, notamment celles qui ont une incidence sur l’importance des besoins en eau. De même, la collectivité publique peut légalement tenir compte des charges fixes du service, eu égard notamment à ses conditions d’exploitation, à l’importance des investissements à amortir et des extensions à réaliser pour garantir qu’en toute circonstance les usagers puissent disposer de l’assainissement collectif nécessaire ».
En l’espèce, la société requérante contestait le fait que chaque chambre occupée par une personne âgée (comme chaque chambre d’hôtel) soit considérée comme un « équivalent-logement ». Le Conseil d’Etat rejette le moyen. « Dès lors que le nombre de chambres de ceux-ci a une incidence directe sur l’importance des besoins en eau et en assainissement à satisfaire, et, partant, sur la dimension des équipements d’assainissement à prévoir par le délégataire, ainsi que sur les conditions que doit remplir le branchement pour assurer efficacement le service, et alors même que la consommation moyenne en eau des occupants de ces chambres serait inférieure à celle de ceux qui habitent d’autres types de logements, le nombre de chambres de ces établissements constitue un critère pertinent pour déterminer la partie fixe de la redevance d’assainissement ».
Le Conseil d’Etat précise également que le juge administratif n’exercera qu’un contrôle restreint sur la valeur retenue pour ces critères. (CE 27 octobre 2016, n°383501)
Cf. le texte de cet arrêt:
Par un arrêt n° 12-00055 du 2 octobre 2013, la cour d’appel de Bastia a sursis à statuer sur l’appel dont elle était saisie par l’EURL « Société d’exploitation de la maison de retraite d’Agosta Plage » (SEMRAP) et a invité les parties à saisir la juridiction administrative de l’appréciation de la légalité des clauses réglementaires relatives aux modalités de détermination de la redevance d’assainissement, d’une part, de l’avenant du 31 décembre 2004 à la convention d’affermage conclue les 26 octobre et 18 novembre 1983 entre le SIVOM de la Rive Sud du Golfe d’Ajaccio et la Compagnie des Eaux et de l’Ozone, et du cahier des charges correspondant et, d’autre part, de la convention de délégation de service public conclue en juin 2007 entre les mêmes parties.
La SEMRAP, agissant en exécution de cet arrêt, a demandé au tribunal administratif de Bastia d’apprécier la légalité de ces clauses et de déclarer que celles-ci sont entachées d’illégalité.
Par un jugement n° 1300947 du 5 juin 2014, le tribunal administratif de Bastia a déclaré que ces clauses ne sont pas entachées d’illégalité.
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 août et 6 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la SEMRAP demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) de déclarer que les clauses en litige sont entachées d’illégalité ;
3°) de mettre à la charge du SIVOM de la Rive Sud du Golfe d’Ajaccio la somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Simon Chassard, auditeur,
– les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, avocat de la société d’exploitation de la maison de retraite d’Agosta Plage (SEMRAP), à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société Sivom de la rive sud du golfe d’ajaccio et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Compagnie des eaux et de l’ozone service juridique ;
Considérant ce qui suit :
1. L’EURL « Société d’exploitation de la maison de retraite d’Agosta Plage » (SEMRAP), qui exploite un établissement d’hébergement pour personnes âgées, est usagère du réseau d’assainissement dont le Syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) de la Rive Sud du Golfe d’Ajaccio a délégué la gestion à la société Compagnie des Eaux et de l’Ozone par des conventions d’affermage successives. Cette dernière a assigné la SEMRAP devant le tribunal de commerce de Bastia qui, par un jugement du 5 décembre 2011, a condamné cette société à lui verser la somme de 35 310,32 € correspondant à la partie fixe de la redevance d’assainissement due au titre des années 2006 à 2010. Saisie par la SEMRAP, la cour d’appel de Bastia, par un arrêt en date du 2 octobre 2013, a sursis à statuer jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la légalité des clauses de l’avenant du 31 décembre 2004 au contrat d’affermage conclu les 26 octobre et 18 novembre 1983 et du nouveau contrat transmis au préfet le 29 juin 2007 fixant les modalités de calcul de cette partie fixe à compter du 1er janvier 2005. La SEMRAP relève appel du jugement du 5 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Bastia a jugé que ces clauses n’étaient pas illégales.
2. En premier lieu, l’article L.2224-12-4 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que : « Toute facture d’eau comprend un montant calculé en fonction du volume réellement consommé par l’abonné et peut, en outre, comprendre un montant calculé indépendamment de ce volume en fonction des charges fixes du service et des caractéristiques du branchement, notamment du nombre de logements desservis. / […] ». Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu’elles ne sont pas applicables aux redevances d’assainissement. Toutefois, même en l’absence de dispositions législatives le prévoyant expressément, les dispositions réglementaires de l’article R. 2333-123 du code général des collectivités territoriales, alors en vigueur, aujourd’hui reprises à l’article R. 2224-19-2 du même code, ont pu légalement prévoir que : « La redevance d’assainissement collectif comprend une partie variable et, le cas échéant, une partie fixe », à condition que le calcul du tarif de la redevance permette de garantir le caractère proportionné de celui-ci avec le coût du service rendu.
3. En second lieu, afin de garantir le caractère proportionné du tarif de la redevance d’assainissement avec le coût du service rendu, la collectivité publique peut prendre en considération, dans la tarification qu’elle adopte, les caractéristiques particulières du branchement, notamment celles qui ont une incidence sur l’importance des besoins en eau. De même, la collectivité publique peut légalement tenir compte des charges fixes du service, eu égard notamment à ses conditions d’exploitation, à l’importance des investissements à amortir et des extensions à réaliser pour garantir qu’en toute circonstance les usagers puissent disposer de l’assainissement collectif nécessaire.
4. Il ressort des pièces du dossier que les stipulations des contrats d’affermage mentionnés au point 1 prévoient que la redevance d’assainissement comprend une partie fixe et une partie proportionnelle au volume d’eau consommé et que la partie fixe est due pour chaque « équivalent-logement ». Jusqu’au 1er janvier 2005, un hôtel ou un établissement hébergeant des personnes âgées était regardé comme un « équivalent-logement » au sens de ces stipulations, tandis que, depuis cette date, par l’effet des clauses dont la légalité est contestée, chaque chambre de ces établissements est regardée comme un « équivalent-logement ». Dès lors que le nombre de chambres de ceux-ci a une incidence directe sur l’importance des besoins en eau et en assainissement à satisfaire, et, partant, sur la dimension des équipements d’assainissement à prévoir par le délégataire, ainsi que sur les conditions que doit remplir le branchement pour assurer efficacement le service, et alors même que la consommation moyenne en eau des occupants de ces chambres serait inférieure à celle de ceux qui habitent d’autres types de logements, le nombre de chambres de ces établissements constitue un critère pertinent pour déterminer la partie fixe de la redevance d’assainissement. Il suit de là qu’en retenant un tel critère pour l’établissement de la partie fixe de la tarification de l’assainissement, le SIVOM de la Rive Sud du Golfe d’Ajaccio n’a méconnu ni le principe d’égalité des usagers devant le service public ni le caractère proportionné du tarif de la redevance avec le coût du service rendu.
5. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en stipulant, dans les conventions d’affermage contestées, que chaque chambre d’un hôtel, d’une résidence hôtelière ou d’un établissement hébergeant des personnes âgées serait regardée comme un « équivalent-logement », le SIVOM de la Rive Sud du Golfe d’Ajaccio ait commis une erreur manifeste d’appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède que la SEMRAP, dont le tribunal a correctement interprété les écritures, n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à ce que les clauses des conventions mentionnées au point 1 soient déclarées illégales.
7. Les conclusions de la SEMRAP tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées. En revanche, il a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SEMRAP le versement au SIVOM de la Rive Sud du Golfe d’Ajaccio et à la Compagnie des Eaux et de l’Ozone d’une somme de 2 000 € chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Décide :
Article 1er : La requête de la SEMRAP est rejetée.
Article 2 : La SEMRAP versera au SIVOM de la Rive Sud du Golfe d’Ajaccio ainsi qu’à la Compagnie des Eaux et de l’Ozone une somme de 2 000 € chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société d’exploitation de la maison de retraite d’Agosta Plage, au SIVOM de la Rive Sud du Golfe d’Ajaccio et à la Compagnie des Eaux et de l’Ozone.