Le Conseil d’Etat précise les conséquences fiscales d’un transfert de permis de construire.
Le Conseil d’Etat juge que, lorsque l’administration autorise le transfert d’un permis de construire à une personne autre que le titulaire initial, celle-ci devient le bénéficiaire, au nom duquel les titres de perception de la taxe locale d’équipement doivent être émis, de l’autorisation de construire. Dans le cas où un titre de recette avait été émis avant le transfert de l’autorisation, le redevable initial perd, dans la mesure où une fraction au moins de la taxe reste exigible à la date du transfert, sa qualité de débiteur légal pour acquérir celle de personne tenue solidairement au paiement de la taxe en vertu des dispositions précitées du 4 de l’article 1929 du code général des impôts, le redevable de la taxe étant désormais, à cette hauteur, le bénéficiaire du transfert.
Cf. le texte intégral de la décision:
Vu la procédure suivante :
La SARL IMEO et la SCCV SOLANGA ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des cotisations de taxe locale d’équipement auxquelles la SARL IMEO a été assujettie à raison d’un permis de construire délivré le 29 juin 2011 et d’un permis de construire modificatif délivré le 22 décembre 2011 par le maire de Bras-Panon (La Réunion).
Par un jugement n° 1500469 du 30 novembre 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier et 20 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, les sociétés IMEO et SOLANGA demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce jugement ;
2°) de renvoyer l’affaire au tribunal administratif de La Réunion ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,
– les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la SARL IMEO et SCCV SOLANGA.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL IMEO s’est vu délivrer un permis de construire pour un programme de quatre-vingts logements sociaux par un arrêté du maire de Bras-Panon (La Réunion) en date du 29 juin 2011. Elle a ensuite obtenu un permis de construire modificatif par un arrêté du 22 décembre 2011. Elle a été assujettie, à raison des constructions ayant fait l’objet de ces autorisations d’urbanisme, à des cotisations de taxe locale d’équipement par des titres de recette émis les 5 septembre 2011 et 28 février 2012 respectivement par la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de La Réunion, et ayant donné lieu à des avis d’imposition les 13 octobre 2011 et 31 mai 2012.
2. La SARL IMEO et la SCCV SOLANGA, à laquelle les deux permis avaient été transférés par un arrêté du maire en date du 22 février 2012, se pourvoient en cassation contre le jugement du 30 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces cotisations.
3. Aux termes de l’article 1723 quater du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux autorisations de construire en litige : « I. La taxe locale d’équipement visée à l’article 1585 A est due par le bénéficiaire de l’autorisation de construire. / Elle doit être versée au comptable public de la situation des biens en deux fractions égales ou en un versement unique lorsque le montant dû n’excède pas 305 €. / Le premier versement ou le versement unique est exigible à l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date de délivrance du permis de construire ou de la date à laquelle l’autorisation de construire est réputée avoir été tacitement accordée. Le second versement est exigible à l’expiration d’un délai de vingt-quatre mois à compter de la même date. / […] En cas de modification apportée au permis de construire ou à l’autorisation tacite de construire, le complément de taxe éventuellement exigible doit être acquitté dans le délai d’un an à compter de la modification […] ». Aux termes du second alinéa de l’article 406 ter de l’annexe III à ce code : « Lorsque l’autorité administrative autorise le transfert d’un permis de construire qui a rendu exigible la taxe locale d’équipement, elle doit en informer sans délai le préfet pour émission d’un nouveau titre ». Aux termes enfin du 4 de l’article 1929 du code général des impôts : « Sont tenus solidairement au paiement de la taxe locale d’équipement : / […] b. Les titulaires successifs de l’autorisation de construire […] ». Il résulte de ces dispositions que, lorsque l’administration autorise le transfert d’un permis de construire à une personne autre que le titulaire initial, celle-ci devient le bénéficiaire, au nom duquel les titres de perception de la taxe locale d’équipement doivent être émis, de l’autorisation de construire. Dans le cas où un titre de recette avait été émis avant le transfert de l’autorisation, le redevable initial perd, dans la mesure où une fraction au moins de la taxe reste exigible à la date du transfert, sa qualité de débiteur légal pour acquérir celle de personne tenue solidairement au paiement de la taxe en vertu des dispositions précitées du 4 de l’article 1929 du code général des impôts, le redevable de la taxe étant désormais, à cette hauteur, le bénéficiaire du transfert.
4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que la taxe afférente au permis de construire initial n’était encore exigible en aucune de ses deux fractions à la date où il a été transféré à la SCCV SOLANGA et que le transfert du permis modificatif est intervenu avant même qu’ait été émis le titre de recette correspondant à ce permis modificatif. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus qu’en jugeant, motif pris de la solidarité au paiement entre titulaires successifs de l’autorisation de construire, que les sociétés IMEO et SOLANGA ne pouvaient utilement se prévaloir du transfert à la seconde des permis de construire initialement délivrés à la première pour demander la décharge des cotisations établies au nom de celle-ci, le tribunal administratif de La Réunion a commis une erreur de droit. Les sociétés requérantes sont fondées pour ce motif, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen de leur pourvoi, à demander l’annulation du jugement qu’elles attaquent.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Les réclamations relatives à la taxe locale d’équipement sont, en vertu du deuxième alinéa de l’article 1723 sexies du code général des impôts, présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière de contributions directes. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en déduit que la requête des sociétés IMEO et SOLANGA est irrecevable dès lors, d’une part, que la seconde seule avait formé la réclamation administrative préalable exigée par l’article R. 190-1 du livre des procédures fiscales après avoir reçu des commandements de payer et, d’autre part, qu’elle n’avait pas qualité pour le faire en tant que simple débiteur solidaire d’une taxe dont la redevable désignée par les titres de recette en litige était la société IMEO. Toutefois, le débiteur solidaire d’un impôt, légalement reconnu comme tel, justifiant d’un intérêt lui donnant qualité pour contester, dans la limite des sommes dont il est redevable au titre de cette solidarité, le bien-fondé de cet impôt, la requête est recevable en tant qu’elle émane de la société SOLANGA.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 ci-dessus qu’à compter du transfert, le 22 février 2012, du permis de construire et du permis de construire modificatif initialement délivrés au bénéfice de la société IMEO, la société SOLANGA était redevable des cotisations de taxe locale d’équipement correspondantes. L’administration les ayant, pour l’une, maintenue et, pour l’autre, établie au nom de la société IMEO, la société SOLANGA est fondée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, à en demander la décharge, dans la limite de la demande qu’elle avait présentée à l’administration dans sa réclamation préalable, c’est-à-dire à hauteur de 15 820 €.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, pour l’ensemble de la procédure, une somme de 4 500 € à verser à la société SOLANGA au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Décide :
Article 1er : Le jugement du 30 novembre 2016 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.
Article 2 : La SARL IMEO est déchargée, à hauteur de 15 820 €, des cotisations de taxe locale d’équipement auxquelles elle a été assujettie à raison du permis de construire initial (n° PC 097402 11A0029) du 29 juin 2011 du maire de Bras-Panon et du permis de construire modificatif (n° PC 974 402 11A0029-01) du 22 décembre 2011.
Article 3 : L’Etat versera à la SCCV SOLANGA une somme de 4 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SARL IMEO, à la SCCV SOLONGA et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au ministre de l’action et des comptes publics.