La CAA de Nantes précise que la règle législative spéciale prévue à l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme concernant notamment les délais d’invocabilité par voie d’exception des plans locaux d’urbanisme s’impose au juge, sans que puisse s’y opposer d’autres règles jurisprudentielles telles que celle issue de la décision CE, Ass., 18 mai 2018, n°414583, Fédération des finances et affaireséconomiques de la CFDT.
La CAA de Nantes précise que la règle législative spéciale prévue à l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme concernant notamment les délais d’invocabilité par voie d’exception des plans locaux d’urbanisme s’impose au juge, sans que puisse s’y opposer d’autres règlesjurisprudentielles telles que celle issue de la décision CE, Ass., 18 mai 2018, n°414583, Fédération des finances et affaireséconomiques de la CFDT.
Les moyens de légalité externe relatifs à la composition du dossier soumis à enquête publique et àl’office du commissaire enquêteur concernent bien la violation des règles de l’enquête publique au sens des dispositions del’article L. 600-1 et sont donc, à ce titre, toujours recevables et opérants même lorsqu’ils sont invoqués par voie d’exception.
Vu la procédure suivante :Procédure contentieuse antérieure :M. et Mme F…D…ont demandé au tribunal administratif de Nantes d’annuler l’arrêté du 15 octobre 2015 par lequel le maire de Crossac a délivré à cette commune un permis d’aménager pour la réalisation d’un lotissement de six lots, sur un terrain desservi par l’impasse de la Fontaine Saint-Jean.Par un jugement n°1509933 du 25 avril 2017 le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.Procédure devant la cour :Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 juin 2017 et 30 août 2018, M. et MmeD…, représentés par MeE…, demandent à la cour :1°) d’annuler ce jugement du 25 avril 2017 ;2°) de mettre à la charge de la commune de Crossac une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.Ils soutiennent que :- le projet n’est pas conforme au règlement de la zone 1AU selon lequel ” en zone AU, toute opération à vocation d’habitat devra comporter un minimum de 10 % de logement social ” ;- le PLU du 28 janvier 2014 est illégal, le classement antérieur ne permettant pas le projet en cause, dès lors que :. l’article R. 123-19 du code de l’urbanisme a été méconnu, dès lors que le dossier d’enquête publique ne comportait pas les avis des personnes publiques ;. le commissaire enquêteur n’a pas examiné les observations qui ont été formulées par les administrés, ce qui a privé le public d’une garantie ;. le classement de la parcelle cadastrée section ZY n°170 en zone 1AU1 méconnait les dispositions de l’article R. 123-6 du code de l’urbanisme et est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 novembre 2017 et 5 septembre 2018, la commune de Crossac, représentée par MeB…, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge des requérants la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.La commune de Crossac fait valoir que les moyens d’annulation soulevés par les requérants ne sont pas fondés et qu’en tout état de cause les moyens tirés de l’illégalité externe du plan local d’urbanisme sont irrecevables en présence de la décision du Conseil d’Etat du 18 mai 2018 n° 414583 et s’agissant du moyen tiré de l’insuffisante réponse apportée par le commissaire enquêteur aux observations du public, en application de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier. Vu :- le code de l’urbanisme ;- le code de justice administrative.Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique :- le rapport de Mme Picquet,- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,- et les observations de MeA…, représentant M. et MmeD…, et de Me C…représentant la commune de Crossac.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D…ont demandé l’annulation de l’arrêté du 15 octobre 2015 par lequel le maire de la commune de Crossac a délivré à cette dernière un permis d’aménager un lotissement d’habitations de six lots sur une partie de la parcelle cadastrée section ZY n° 170. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande par un jugement du 25 avril 2017. Ils font appel de ce jugement.Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes des caractéristiques générales du règlement du plan local d’urbanisme applicable à la zone 1AU, ” toute opération à vocation d’habitat devra comporter un minimum de 10 % de logement social “. Comme l’ont indiqué à bon droit les premiers juges, les auteurs du plan local d’urbanisme ont entendu implicitement mais nécessairement limiter l’application de cette obligation aux opérations comptant au moins dix logements. Il est constant que si le permis d’aménager litigieux ne prévoit pas de logement social, il ne porte que sur la réalisation d’un lotissement de six lots. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du règlement de la zone 1AU du PLU doit être écarté.3. En second lieu, les requérants soulèvent, par la voie de l’exception, l’illégalité du PLU. S’agissant de la légalité externe du plan local d’urbanisme :
4. Aux termes de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme : ” L’illégalité pour vice de forme ou de procédure d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’une carte communale ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu ne peut être invoquée par voie d’exception, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la prise d’effet du document en cause. (…) Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables lorsque le vice de forme concerne : -soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l’enquête publique sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales (…) “. Les moyens de légalité externe soulevés, qui sont relatifs à la composition du dossier soumis à enquête publique et à l’office du commissaire enquêteur, concernent la violation des règles de l’enquête publique au sens des dispositions précitées. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu en défense, ces moyens sont recevables.
5. D’une part, en application des dispositions combinées des articles L. 123-10 et R. 123-19 du code de l’urbanisme alors applicables, le dossier de plan local d’urbanisme soumis à enquête publique doit comprendre les avis des personnes publiées associées. Il est constant que le dossier qui a été remis au commissaire-enquêteur par la mairie avant l’enquête publique comportait ces avis. Le commissaire enquêteur a attesté, en octobre 2017, que le dossier qui lui avait été remis était le même que celui mis à la disposition du public. Les requérants n’apportent aucun commencement de preuve contraire, alors qu’il ressort des pièces du dossier qu’un particulier a émis une observation lors de l’enquête en se référant à un avis d’une personne publique associée. Dès lors, le moyen tiré de ce que le dossier soumis à enquête publique n’aurait pas compris les avis des personnes publiques associées ne peut qu’être écarté.6. D’autre part, aux termes de l’article R. 123-19 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable : ” Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l’enquête et examine les observations recueillies. Le rapport comporte le rappel de l’objet du projet, plan ou programme, la liste de l’ensemble des pièces figurant dans le dossier d’enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l’enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. “. En application de ces dispositions, le commissaire enquêteur, qui n’est pas tenu de répondre à chacune des observations présentées au cours de l’enquête publique, doit donner son avis personnel en précisant s’il est ou non favorable et indiquer au moins sommairement, les raisons qui en déterminent le sens.
7. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire-enquêteur a répertorié toutes les observations émises par les particuliers. Il a ensuite indiqué, à la page 17 de son rapport, que faire droit aux demandes du public s’agissant des modifications de zonage conduirait ” à une surface demandée constructible par les propriétaires de l’ordre de 20 ha répartis sur la commune, en inadéquation avec le projet de PLU qui prévoit d’ouvrir à l’urbanisation 9 ha de terrains, localisés en périphérie du bourg et dans la continuité du tissu existant en privilégiant les espaces les moins dommageables pour l’activité agricole et ne portant pas atteinte aux espaces naturels sensibles. ” Il a également recommandé à la commune de répondre par écrit à toutes ces demandes. Ainsi, le commissaire-enquêteur peut être regardé comme ayant apporté, de manière globale, une réponse défavorable à ces demandes, dès lors qu’elles seraient de nature à bouleverser l’économie générale du plan, sans exclure la possibilité d’une modification à la marge par la commune. Les requérants n’établissent pas qu’une réponse individualisée aurait dû être apportée en l’espèce. Dès lors, le moyen tiré de l’absence de réponse du commissaire enquêteur aux observations émises par les particuliers doit être écarté.S’agissant de la légalité interne du plan local d’urbanisme :
8. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section ZY n° 170, qui appartient à la commune, est desservie par l’impasse de la Fontaine Saint Jean. La circonstance que deux des lots créés par un permis d’aménager postérieur au plan local d’urbanisme en litige nécessiteraient, pour être desservis, le prolongement de cette impasse, est sans influence sur la légalité du classement en zone 1AU1 d’une partie de cette parcelle dont il n’est pas contesté qu’elle est desservie par l’ensemble des autres réseaux et borde une zone urbanisée. Sur les 226 345 m² que représente la parcelle, seuls 8 823 m² sont classés en zone 1AU1 et si le projet d’aménagement et de développement durable du PLU se fixe pour objectif de réduire la consommation de l’espace rural, il comporte également l’objectif d’extension mesurée du tissu urbanisé dans un souci de cohérence globale et de protection des sols agricoles et des espaces naturels sensibles. La seule circonstance que cette partie de la parcelle soit occupée à titre gratuit par un exploitant agricole qui l’entretient et utilise le foin coupé ne suffit pas à établir une méconnaissance de l’objectif de protection des sols agricoles et un véritable potentiel agronomique. Enfin, contrairement à ce que les requérants indiquent, ce classement n’a pas entraîné de suppression d’espace boisé classé et il est constant que le secteur 1AU1 prévu sur le lieudit ” Les Châtaigneraies ” ne jouxte ni la zone humide répertoriée, ni la zone Natura 2000 du Marais de Brière et ne comporte pas d’arbres. Au demeurant, l’évaluation environnementale du PLU a indiqué, s’agissant de cette zone 1AU1, sans que cela ne soit utilement contredit, un impact faible. Par conséquent, le moyen tiré de l’illégalité du classement d’une partie de la parcelle cadastrée section ZY n°170 en zone 1AU1 doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l’exception d’illégalité du PLU doit être écarté.10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D…ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande. Sur les frais liés au litige :11. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Crossac, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme au titre de ces dispositions. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D…la somme de 1 500 euros au bénéfice de la commune de Crossac au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :Article 1er : La requête de M. et Mme D…est rejetée.
Article 2 : M. et Mme D…verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Crossac sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F…D…et la commune de Crossac.Délibéré après l’audience du 23 novembre 2018, à laquelle siégeaient :- M. Dussuet, président de chambre,- M. Degommier, président assesseur,- Mme Picquet, premier conseiller.Lu en audience publique le 10 décembre 2018.