Un sursis à statuer est créateur de droits

Un sursis à statuer est créateur de droits

La cour administrative d’appel de Nantes juge qu’une décision de sursis à statuer opposée à une demande d’autorisation concernant des travaux, constructions ou installations doit être regardée comme une décision créatrice de droits.

La cour administrative d’appel de Nantes juge qu’une décision de sursis à statuer opposée à une demande d’autorisation concernant des travaux, constructions ou installations doit être regardée comme une décision créatrice de droits. (CAA Nantes 8 novembre 2019, 18NT01390)

Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Le groupement foncier agricole Urfie a demandé au tribunal administratif de Rennes, d’une part, d’annuler l’arrêté du 14 octobre 2016 par lequel le maire de La Bouillie a opposé un sursis à statuer à sa déclaration préalable présentée pour le détachement d’un lot à bâtir de la parcelle cadastrée section AB n° 54 pour une superficie de 25 777 mètres carrés, et, d’autre part, d’enjoindre au maire de La Bouillie de statuer à nouveau sur sa déclaration préalable au regard des règles d’urbanisme applicables le 17 février 2016, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par une ordonnance n° 1605352 du 6 février 2018, le président de la 1re chambre du tribunal administratif de Rennes a constaté qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur la requête du groupement foncier agricole Urfie.

II. Le groupement foncier agricole Urfie a demandé au tribunal administratif de Rennes, d’une part, d’annuler l’arrêté du 14 octobre 2016 par lequel le maire de La Bouillie a opposé un sursis à statuer à sa déclaration préalable présentée pour le détachement d’un lot à bâtir de la parcelle cadastrée AB n° 56 d’une superficie de 5 042 mètres carrés, et, d’autre part, d’enjoindre au maire de La Bouillie de statuer à nouveau sur sa déclaration préalable au regard des règles d’urbanisme applicables le 17 février 2016, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par une ordonnance n° 1605353 du 6 février 2018, le président de la 1re chambre du tribunal administratif de Rennes a constaté qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur la requête du groupement foncier agricole Urfie.

III. Le groupement foncier agricole Urfie a demandé au tribunal administratif de Rennes :

1°) d’annuler les arrêtés du 10 février 2017 par lesquels le maire de La Bouillie a opposé un sursis à statuer à ses déclarations préalables présentées pour le détachement de deux lots à bâtir respectivement de la parcelle cadastrée section AB n° 54 et de la parcelle cadastrée section AB n° 56, ainsi que la décision de rejet du 9 juin 2017 portant rejet de son recours gracieux ;

2°) d’enjoindre au maire de La Bouillie de lui délivrer, dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, des décisions de non-opposition ou, à défaut, de lui notifier une nouvelle décision.

Par un jugement n° 1703475 du 5 novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a, d’une part, annulé ces arrêtés du 10 février 2017 et la décision du 9 juin 2017 rejetant le recours gracieux formé par le groupement foncier agricole Urfie et, d’autre part, enjoint au maire de La Bouillie de se prononcer à nouveau sur les demandes du groupement foncier agricole Urfie dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 18NT01390 le 6 avril 2018, le groupement foncier agricole Urfie, représenté par la SELARL Lahalle & Rouhaud, demande à la cour :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 1605352 du 6 février 2018 du président de la 1re chambre du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d’annuler l’arrêté du 14 octobre 2016 par lequel le maire de La Bouillie a opposé un sursis à statuer à sa déclaration préalable présentée pour le détachement d’un lot à bâtir de la parcelle cadastrée section AB n° 54 pour une superficie de 25 777 mètres carrés ;

3°) d’enjoindre au maire de La Bouillie de statuer à nouveau sur sa déclaration préalable au regard des règles d’urbanisme applicables le 17 février 2016, dans un délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de La Bouillie une somme de 2 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– l’ordonnance attaquée est irrégulière dès lors qu’elle a été rendue en méconnaissance du principe du contradictoire ; le groupement foncier agricole Urfie n’a en effet pas disposé d’un délai raisonnable pour répliquer au mémoire en défense qui lui a été communiqué le 29 janvier 2018, alors que l’ordonnance a été prise dès le 6 février 2018 ;

– le non-lieu à statuer a été prononcé à tort dès lors que l’arrêté du 10 février 2017 qui a procédé au retrait de l’arrêté du 14 octobre 2016 n’était pas devenu définitif à la date de l’ordonnance attaquée ;

– l’arrêté du 14 octobre 2016 méconnaît les dispositions de l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme, faute d’être motivé en fait ;

– il est entaché d’erreur de droit dès lors, d’une part, que le groupement foncier agricole Urfie était titulaire d’un certificat d’urbanisme tacite du 17 février 2016 et, d’autre part, qu’à la date de ce certificat, la procédure de révision du plan local d’urbanisme n’avait pas atteint un stade d’avancement suffisant pour qu’un sursis à statuer puisse lui être opposé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2018, la commune de La Bouillie, représentée par la SELARL Ares, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge du groupement foncier agricole Urfie une somme de 3 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le groupement foncier agricole Urfie ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 18NT01392 le 6 avril 2018, le groupement foncier agricole Urfie, représenté par la SELARL Lahalle & Rouhaud, demande à la cour :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 1605353 du 6 février 2018 du président de la 1re chambre du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d’annuler l’arrêté du 14 octobre 2016 par lequel le maire de La Bouillie a opposé un sursis à statuer à sa déclaration préalable présentée pour le détachement d’un lot à bâtir de la parcelle cadastrée AB n° 56 d’une superficie de 5 042 mètres carrés ;

3°) d’enjoindre au maire de La Bouillie de statuer à nouveau sur sa déclaration préalable au regard des règles d’urbanisme applicables le 17 février 2016, dans un délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de La Bouillie une somme de 2 000 € au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soulève les mêmes moyens que ceux exposés sous le n° 18NT01390.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2018, la commune de La Bouillie, représentée par la SELARL Ares, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge du groupement foncier agricole Urfie une somme de 3 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– les moyens soulevés par le groupement foncier agricole Urfie ne sont pas fondés ;

– la demande du groupement foncier agricole Urfie devant le tribunal administratif était irrecevable faute de production de la décision dont il concluait à l’annulation.

III. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 19NT00034 les 7 janvier et 8 août 2019, la commune de La Bouillie, représentée par la SELARL Ares, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1703475 du 5 novembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de première instance du groupement foncier agricole Urfie tendant à l’annulation des arrêtés du 10 février 2017 du maire de La Bouillie ainsi que la décision de rejet du 9 juin 2017 portant rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge du groupement foncier agricole Urfie une somme de 7 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu’il est insuffisamment motivé ; en effet, le tribunal n’a pas répondu à l’argument de la commune selon lequel les arrêtés du 10 février 2017 constituaient les supports juridiques d’une seule et même décision de sursis à statuer opposée au groupement foncier agricole Urfie le 14 octobre 2016, ni à celui tiré de ce que la mention de la durée de validité du sursis à statuer n’est pas obligatoire ; cette motivation est également insuffisante en tant qu’elle comporte des contradictions ;

– le tribunal n’a pas pris en considération les arrêtés rectificatifs du 2 octobre 2018 qui clarifiaient et précisaient l’article 3 des arrêtés contestés du 10 février 2017 ;

– en outre, le tribunal était tenu de rouvrir l’instruction pour prendre en compte ces arrêtés rectificatifs du 2 octobre 2018, que la commune n’était pas en mesure de produire préalablement à la date de la clôture de l’instruction ;

– ce jugement est infondé dès lors que le tribunal s’est fondé sur un moyen inopérant, la violation de l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme, pour annuler les arrêtés contestés ;

– les arrêtés contestés du 10 février 2017 ne constituaient pas de nouvelles décisions de sursis à statuer succédant aux deux premiers arrêtés de sursis à statuer opposés le 14 octobre 2016, mais les supports juridiques d’une seule et même décision, dès lors que les arrêtés du 14 octobre 2016 étaient retirés par les arrêtés contestés ; en tout état de cause, si les arrêtés contestés du 10 février 2017 devaient être qualifiés de nouvelles décisions de sursis à statuer, la commune pouvait légalement les prendre dans le délai de validité de deux ans des premiers arrêtés de sursis à statuer du 14 octobre 2016 ; la période durant laquelle un sursis à statuer a produit ses effets avant d’être retiré ne peut être prise en considération pour calculer la durée de validité d’un second sursis à statuer ;

– les arrêtés contestés du 10 février 2017 n’ont produit aucun effet au-delà du 14 octobre 2018 dès lors, d’une part, que le plan local d’urbanisme de la commune a été approuvé par le conseil municipal le 27 juin 2017 et, d’autre part, que les arrêtés rectificatifs du 2 octobre 2018 avaient rappelé que la durée de validité de ces sursis à statuer expirait le 14 octobre 2018 ;

– les moyens invoqués par le groupement foncier agricole Urfie en première instance n’étaient pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2019, le groupement foncier agricole Urfie, représenté par la SELARL Lexcap, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la commune de La Bouillie une somme de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– les moyens soulevés par la commune de La Bouillie ne sont pas fondés ;

– les arrêtés contestés du 10 février 2017 méconnaissent l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration dès lors qu’ils n’ont pas été précédés d’une procédure contradictoire alors qu’ils retiraient des décisions créatrices de droit ;

– ils méconnaissent l’article L. 410 du code de l’urbanisme dès lors, d’une part, que le groupement foncier agricole Urfie était titulaire d’un certificat d’urbanisme tacite du 17 février 2016 et, d’autre part, qu’à la date de ce certificat, la procédure de révision du plan local d’urbanisme n’avait pas atteint un stade d’avancement suffisant pour qu’un sursis à statuer puisse lui être opposé ;

– ils sont entachés de détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. D.,

– les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,

– et les observations de Me C. substituant Me B., représentant le groupement foncier agricole Urfie, et de Me A., représentant la commune de La Bouillie.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus nos 18NT01390 et 18NT01392, présentées pour le groupement foncier agricole Urfie, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l’objet d’une instruction commune. Ces requêtes présentent en outre des questions connexes avec la requête n° 19NT00034, présentée pour la commune de La Bouillie. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Le groupement foncier agricole Urfie a déposé, le 17 décembre 2015, une demande de certificat d’urbanisme opérationnel auprès du maire de La Bouillie portant sur les parcelles cadastrées section AB nos 54, 55 et 56, situées rue du chemin chaussée, en vue de la réalisation d’un lotissement d’habitation de 60 lots, dont 2 lots sociaux, représentant un total de 73 logements. Le silence gardé par le maire de la commune de La Bouillie a fait naître le 17 février 2016 un certificat d’urbanisme tacite. Par un arrêté du 8 juillet 2016, le maire de la commune de La Bouillie a délivré un certificat d’urbanisme négatif au motif que le terrain objet de la demande ne pouvait pas être utilisé pour la réalisation de l’opération envisagée. Le recours en annulation contre ce certificat d’urbanisme négatif a été rejeté par un jugement n° 1605147 du 5 novembre 2018 du tribunal administratif de Rennes, devenu définitif.

3. Le 30 juillet 2016, le groupement foncier agricole Urfie a déposé deux déclarations préalables en mairie de La Bouillie portant sur le détachement, d’une part, d’un lot à bâtir de la parcelle cadastrée section AB n° 54 pour une superficie de 25 777 mètres carrés et, d’autre part, d’un lot à bâtir de la parcelle cadastrée section AB n° 56 d’une superficie de 5 042 mètres carrés. Par deux arrêtés du 14 octobre 2016, le maire de La Bouillie a opposé un sursis à statuer à ces deux déclarations préalables jusqu’à l’intervention de l’acte approuvant le plan local d’urbanisme en cours d’élaboration et pour une durée n’excédant pas deux ans. Le groupement foncier agricole Urfie a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler ces deux arrêtés. Sous les nos 18NT01390 et 18NT01392, le groupement foncier agricole Urfie relève appel des ordonnances nos 1605352 et 1605353 du 6 février 2018 par lesquelles le président de la 1re chambre du tribunal administratif de Rennes a constaté qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur ses demandes d’annulation des arrêtés du 14 octobre 2016.

4. Par deux arrêtés du 10 février 2017, le maire de La Bouillie, ayant constaté que ses précédents arrêtés du 14 octobre 2016 étaient entachés d’illégalité en raison de leur insuffisante motivation, a, d’une part, retiré les décisions de sursis à statuer prises par arrêtés du 14 octobre 2016 et, d’autre part, opposé un sursis à statuer aux déclarations préalables du groupement foncier agricole Urfie jusqu’à l’intervention de l’acte approuvant le plan local d’urbanisme en cours d’élaboration et pour une durée n’excédant pas deux ans. Le groupement foncier agricole Urfie a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler ces deux arrêtés. Sous le n° 19NT00034, la commune de La Bouillie relève appel du jugement n° 1703475 du 5 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, d’une part, annulé ces arrêtés du 10 février 2017 et la décision du 9 juin 2017 rejetant le recours gracieux formé par le groupement foncier agricole Urfie et, d’autre part, enjoint au maire de La Bouillie de se prononcer à nouveau sur les demandes du groupement foncier agricole Urfie dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Sur la requête n° 19NT00034 dirigée contre le jugement du 5 novembre 2018 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

5. En premier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes a expressément répondu aux moyens de défense invoqués par la commune de La Bouillie. En particulier, le tribunal administratif, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n’avait pas à répondre au moyen tiré de ce que des arrêtés rectificatifs du 2 octobre 2018 clarifiaient et précisaient l’article 3 des arrêtés contestés du 10 février 2017, dès lors que ce moyen figurait dans une note en délibéré produite postérieurement à la clôture de l’instruction.

6. En second lieu, devant les juridictions administratives et dans l’intérêt d’une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l’instruction, qu’il dirige, lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S’il décide d’en tenir compte, il rouvre l’instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu’il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d’irrégularité de sa décision.

7. En l’espèce, la commune de La Bouillie soutient que le tribunal devait tenir compte, à peine d’irrégularité de son jugement, des arrêtés rectificatifs de son maire du 2 octobre 2018. Ces derniers arrêtés constituaient des éléments de droit dont la commune n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction. Cependant, compte-tenu du motif retenu par le tribunal pour annuler les arrêtés du 10 février 2017, tiré de ce que le maire de La Bouillie avait opposé aux demandes du groupement foncier agricole Urfie deux sursis à statuer fondés sur le même motif, la production des arrêtés rectificatifs du 2 octobre 2018, qui se bornaient à modifier la durée du sursis à statuer prononcé par les arrêtés du 10 février 2017, n’était pas susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire. Le tribunal n’était donc pas tenu d’en tenir compte.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

8. Aux termes de l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : «[…] Il peut être sursis à statuer sur toute demande d’autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code […]. / […] Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. L’autorité compétente ne peut, à l’expiration du délai de validité du sursis ordonné, opposer à une même demande d’autorisation un nouveau sursis fondé sur le même motif que le sursis initial. Si des motifs différents rendent possible l’intervention d’une décision de sursis à statuer par application d’une disposition législative autre que celle qui a servi de fondement au sursis initial, la durée totale des sursis ordonnés ne peut en aucun cas excéder trois ans. […]. » Selon le troisième alinéa de l’article L. 153-11 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 : « L’autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l’article L. 424-1, sur les demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable. »

9. Il ressort des pièces du dossier que les deux arrêtés du 14 octobre 2016 par lesquels le maire de La Bouillie a sursis à statuer sur les déclarations préalables déposées par le groupement foncier agricole Urfie ont été retirés par l’article 1er des arrêtés contestés du 10 février 2017. Par les articles 2 et 3 de ces arrêtés du 10 février 2017, le maire de La Bouillie a prononcé deux sursis à statuer sur les mêmes déclarations préalables. Le retrait des deux arrêtés du 14 octobre 2016 a eu pour effet leur disparition juridique pour le passé comme pour l’avenir. Ils doivent donc être regardés comme n’étant jamais intervenus. Ainsi, c’est à tort que le tribunal s’est fondé, pour annuler les arrêtés contestés du 10 février 2017, sur ce que des décisions de sursis à statuer successives fondées sur le même motif avaient été opposées aux demandes du groupement foncier agricole Urfie.

10. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par le groupement foncier agricole Urfie tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

11. En premier lieu, aux termes de l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Les décisions mentionnées à l’article L. 211-2 n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. […] » Selon l’article L. 211-2 du même code « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : […] 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; […]. »

12. Il ressort des dispositions précitées de l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme qu’une décision de sursis à statuer sur une demande d’autorisation concernant des travaux, constructions ou installations ne peut, en principe, excéder deux ans et que l’autorité compétente ne peut, à l’expiration du délai de validité du sursis ordonné, opposer à une même demande d’autorisation un nouveau sursis fondé sur le même motif que le sursis initial. En outre, lorsque des motifs différents rendent possible l’intervention d’une nouvelle décision de sursis à statuer, la durée totale des sursis ordonnés ne peut en aucun cas excéder trois ans. Eu égard à ces garanties prévues par la loi au profit du pétitionnaire, une décision de sursis à statuer sur une demande d’autorisation concernant des travaux, constructions ou installations doit être regardée comme une décision créatrice de droits.

13. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le retrait, opéré par l’article 1er des arrêtés du 10 février 2017 du maire de La Bouillie, de ses précédentes décisions de sursis à statuer sur les déclarations préalables du groupement foncier agricole Urfie, prises par arrêté du 14 octobre 2016, n’a pas été précédé de la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration. Cette procédure contradictoire constitue une garantie pour les intéressés. Dès lors, le groupement foncier agricole Urfie est fondé à soutenir que les décisions du maire de La Bouillie de retrait de ses précédentes décisions de sursis à statuer du 14 octobre 2016 méconnaissent les dispositions de l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration. Par suite, les dispositions de l’article 1er des arrêtés du 10 février 2017, qui sont divisibles des autres dispositions de ces arrêtés, doivent être annulées.

14. En deuxième lieu, le retrait par l’autorité compétente d’une décision de sursis à statuer sur une demande d’autorisation concernant des travaux, constructions ou installations ne saurait légalement permettre à l’administration de prononcer un nouveau sursis à statuer dont la durée, calculée à compter de la date à laquelle le sursis à statuer retiré a produit ses effets à l’égard du pétitionnaire, excèderait les limites fixées par l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme.

15. Il ressort des pièces du dossier que l’article 3 des arrêtés du 10 février 2017, pris sur le fondement des dispositions des articles L. 153-11 et L. 424-1 du code de l’urbanisme, fixait à deux ans la durée maximale de validité de chaque sursis à statuer. En l’absence de disposition contraire, cette durée courait à compter de l’édiction des arrêtés, le 10 février 2017, et expirait en conséquence le 10 février 2019. Toutefois, alors même que les précédentes décisions de sursis à statuer prononcées le 14 octobre 2016 étaient retirées par l’article 1er des arrêtés du 10 février 2017, avec pour effet leur disparition juridique pour le passé comme pour l’avenir, le maire de La Bouillie devait, en application des dispositions de L. 424-1 du code de l’urbanisme, prendre en compte les effets déjà produits à l’égard du pétitionnaire par les sursis à statuer retirés pour fixer la durée de validité des nouveaux sursis à statuer. Par suite, l’article 3 des arrêtés du 10 février 2017 méconnaît les dispositions de L. 424-1 du code de l’urbanisme en tant qu’il fixe une durée de validité des sursis à statuer excédant la date du 14 octobre 2018, sans qu’aient d’incidence à cet égard les circonstances, postérieures à l’édiction des arrêtés contestés, que les sursis à statuer aient cessé de produire leurs effets à la date d’adoption du plan local d’urbanisme par le conseil municipal de La Bouillie le 27 juin 2017 et que des arrêtés « rectificatifs » du 2 octobre 2018 aient modifié l’article 3 des arrêtés contestés pour ramener au 14 octobre 2018 la durée de validité des sursis à statuer. Par conséquent, le groupement foncier agricole Urfie est fondé à demander l’annulation de l’article 3 des arrêtés du 10 février 2017 en tant que la durée qu’il fixe aux sursis à statuer prononcés par l’article 2 des mêmes arrêtés excède la date du 14 octobre 2018.

16. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : « Le certificat d’urbanisme, en fonction de la demande présentée : / a) Indique les dispositions d’urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d’urbanisme applicables à un terrain ; / b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l’opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l’état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu’une demande d’autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d’un certificat d’urbanisme, les dispositions d’urbanisme, le régime des taxes et participations d’urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu’ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l’exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. / […]. »

17. Il résulte de la combinaison des articles L. 153-11, L. 410-1 et L. 424-1 du code de l’urbanisme que tout certificat d’urbanisme délivré sur le fondement de l’article L. 410-1 a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d’autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d’urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Figure cependant parmi ces règles la possibilité de se voir opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis, lorsqu’est remplie, à la date de délivrance du certificat, l’une des conditions énumérées à l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme. Une telle possibilité vise à permettre à l’autorité administrative de ne pas délivrer des autorisations pour des travaux, constructions ou installations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme. Lorsque le plan en cours d’élaboration et qui aurait justifié, à la date de délivrance du certificat d’urbanisme, que soit opposé un sursis à une demande de permis ou à une déclaration préalable, entre en vigueur dans le délai du certificat, les dispositions issues du nouveau plan sont applicables à la demande de permis de construire ou à la déclaration préalable.

18. Il ressort des pièces du dossier que l’élaboration du plan local d’urbanisme de la commune de la Bouillie a été prescrite par une délibération du conseil municipal du 7 octobre 2014 et que le projet d’aménagement et de développement durable a été débattu lors du conseil municipal du 20 octobre 2015, soit antérieurement à la délivrance du certificat d’urbanisme tacite du 17 février 2016 dont était bénéficiaire le groupement foncier agricole Urfie. Les orientations du projet d’aménagement et de développement durable traduisaient en outre un état suffisamment avancé du futur plan local d’urbanisme. En particulier, son axe 1 prévoyait d’« accompagner la croissance démographique attendue par un développement urbain harmonieux dans un souci de mixité sociale et d’économie d’espace ». Son orientation 1.3, visant à « limiter la consommation d’espace, toutes destinations confondues, et donner la priorité au bourg », fixait notamment pour objectif de « réduire d’un tiers la consommation urbaine observée durant la durée de vie du dernier PLU [soit une réduction minimum de la consommation foncière de 18 à 12 ha]. / Prendre en compte le potentiel de densification du bourg pour limiter l’étalement urbain ; […] Respecter une densité moyenne de 15 logements par hectare à l’échelle de la commune [contre 8 logements par hectare en moyenne] ; Supprimer les possibilités de construction de nouveaux logements en campagne, très consommateur d’espace [4,9 logements par hectare en moyenne], au profit du bourg. […] » De même, l’axe 3 du projet d’aménagement et de développement durable, visant à « renforcer et dynamiser le tissu économique local », se fixait pour orientation 3.1 de « préserver l’activité agricole dans l’espace rural » et de « concentrer les extensions urbaines au centre-bourg pour donner la priorité à l’agriculture en campagne ». Compte-tenu du parti d’aménagement retenu par les auteurs du plan local d’urbanisme, consistant à privilégier la densification du bourg et à limiter l’étalement urbain, le maire de La Bouillie pouvait légalement opposer un sursis à statuer aux déclarations préalables déposées par le groupement foncier agricole Urfie, qui visaient à détacher deux lots à bâtir sur des parcelles constituées d’espaces agricoles et situées dans un secteur qu’il était envisagé d’exclure des zones à urbaniser afin d’atteindre les objectifs du futur plan local d’urbanisme.

19. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les arrêtés contestés seraient entachés de détournement de pouvoir.

20. En dernier lieu, dès lors que le groupement foncier agricole Urfie n’est pas fondé à demander l’annulation de l’article 2 des arrêtés du 10 février 2017 prononçant un sursis à statuer sur ses déclarations préalables, il n’y a pas lieu d’enjoindre au maire de La Bouillie de lui délivrer des décisions de non-opposition ni de se prononcer à nouveau sur ses déclarations préalables.

21. Il résulte de ce qui précède que la commune de La Bouillie est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a, d’une part, annulé l’article 2 de ses arrêtés du 10 février 2017, qui prononce à nouveau un sursis à statuer sur les demandes du groupement foncier agricole Urfie, et, d’autre part, enjoint à son maire de se prononcer à nouveau sur les demandes du groupement foncier agricole Urfie. La commune est également fondée à soutenir que c’est tort que le tribunal a annulé dans sa totalité l’article 3 des arrêtés de son maire du 10 février 2017, alors qu’il aurait dû seulement être annulé en tant que la durée qu’il fixait aux sursis à statuer prononcés par leur article 2 excédait la date du 14 octobre 2018. En revanche, la commune n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l’article 1er de ses arrêtés du 10 février 2017, qui retire les décisions de sursis à statuer du 14 octobre 2016, ainsi que la décision du 9 juin 2017 rejetant le recours gracieux du groupement foncier agricole Urfie.

Sur les requêtes nos 18NT01390 et 18NT01392 dirigées contre les ordonnances du 6 février 2018 :

En ce qui concerne la régularité des ordonnances attaquées :

22. En premier lieu, aux termes de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : « Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours […], les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours […] peuvent, par ordonnance : / […] 3° Constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur une requête ; […]. »

23. Il ressort des pièces de chacune des procédures devant le tribunal administratif de Rennes que les mémoires en défense par lesquels la commune de La Bouillie a conclu, à titre principal, au non-lieu à statuer sur les demandes d’annulation des arrêtés du 14 octobre 2016, au motif que ces arrêtés avaient été retirés par deux arrêtés du 10 février 2017, ont été enregistrés au greffe du tribunal le 25 janvier 2018 et communiqués au groupement foncier agricole Urfie le 29 janvier suivant. Le courrier accompagnant ces communications ne fixait pas de délai de réponse mais indiquait que « Afin de ne pas retarder la mise en état d’être jugé de votre dossier, vous avez tout intérêt, si vous l’estimez utile, à produire ces observations aussi rapidement que possible. » L’avocat du groupement foncier agricole Urfie en a accusé réception le 30 janvier 2018 au matin. Des pièces complémentaires, à savoir la délibération autorisant le maire de la commune de La Bouillie à ester en justice, ont été communiquées le 5 février 2018 au groupement foncier agricole Urfie, dont le conseil en a accusé réception le jour même en fin d’après-midi. Le 6 février 2018, sans qu’aucun acte de procédure ne soit intervenu entre-temps, le président de la 1re chambre du tribunal administratif de Rennes a, par les deux ordonnances attaquées prises sur le fondement des dispositions précitées du 3° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, constaté qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les demandes du groupement foncier agricole Urfie.

24. Si l’instruction ainsi conduite ne faisait pas obstacle à ce que le président de la 1re chambre du tribunal administratif de Rennes fasse usage des pouvoirs définis par les dispositions citées au point 22, il lui appartenait de fixer au groupement foncier agricole Urfie un délai pour produire ses observations sur le mémoire en défense communiqué dans chacune des deux affaires et d’attendre, pour statuer, que ce délai soit écoulé. Le groupement foncier agricole Urfie est, par suite, fondé à soutenir que les ordonnances attaquées, par lesquelles le président de la 1re chambre du tribunal a, en se fondant sur les mémoires en défense et les arrêtés du 10 février 2017 retirant les arrêtés contestés du 14 octobre 2016, constaté qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur ses demandes, ont été rendues en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure. Ces ordonnances doivent, pour ce motif, être annulées.

25. En second lieu, un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n’a d’autre objet que d’en faire prononcer l’annulation avec effet rétroactif. Il en résulte que si, avant que le juge n’ait statué, l’acte attaqué est rapporté par l’autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d’être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte disparition rétroactive de l’ordonnancement juridique de l’acte contesté, ce qui conduit à ce qu’il n’y ait lieu, pour le juge de la légalité, de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l’acte rapporté aurait reçu exécution.

26. Il ressort des pièces du dossier que, si les arrêtés contestés du 14 octobre 2016 ont été retirés par deux arrêtés du 10 février 2017 du maire de la commune de La Bouillie, ces derniers arrêtés ont fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir introduit par le groupement foncier agricole Urfie devant le tribunal administratif de Rennes dans le délai du recours contentieux. Par ces recours pour excès de pouvoir, le groupement foncier agricole Urfie demandait l’annulation totale des arrêtés du 10 février 2017, y compris de leur article 1er qui procédait au retrait des arrêtés du 14 octobre 2016. En outre, contrairement à ce que soutient la commune de La Bouillie en défense, le groupement foncier agricole avait intérêt à contester ces décisions de retrait dès lors qu’elles lui faisaient grief, s’agissant du retrait de décisions créatrices de droits. Il s’ensuit que le retrait opéré par l’article 1er des arrêtés du 10 février 2017, qui ont d’ailleurs été par la suite annulés par le jugement n° 1703475 du 5 novembre 2018 du tribunal administratif de Rennes, n’avait pas acquis un caractère définitif à la date à laquelle le président de la 1re chambre du même tribunal a rendu les ordonnances attaquées. Ces ordonnances doivent donc, pour ce second motif également, être annulées.

27. Il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par le groupement foncier agricole Urfie devant le tribunal administratif de Rennes.

En ce qui concerne la recevabilité des demandes de première instance :

28. En premier lieu, si la commune de La Bouillie soutient, dans son mémoire en défense enregistré sous le n° 18NT01392, que la demande du groupement foncier agricole Urfie était irrecevable faute pour ce dernier d’avoir produit la décision attaquée, qu’il identifie comme étant la décision n° DP02201216Q0008 du 14 octobre 2016 portant sur la déclaration préalable relative à parcelle cadastrée section AB n° 54, il ressort des pièces du dossier de première instance que le groupement foncier agricole Urfie avait demandé, dans sa requête enregistrée par le tribunal administratif sous le n° 1605353, l’annulation de la décision n° DP02201216Q0009 du 14 octobre 2016 portant sur la déclaration préalable relative à parcelle cadastrée section AB n° 56, qui était jointe à sa demande de première instance.

29. En second lieu, sous le n° 18NT01390, le groupement foncier agricole Urfie a produit en appel, après y avoir été invité par la cour, la décision n° DP02201216Q0008 du 14 octobre 2016 portant sur la déclaration préalable relative à parcelle cadastrée section AB n° 54 qu’il avait contestée dans sa requête enregistrée par le tribunal administratif sous le n° 1605352.

En ce qui concerne la légalité des arrêtés du 14 octobre 2016 :

30. Aux termes de l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : «[…] Il peut être sursis à statuer sur toute demande d’autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code […]. / […] Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. […] » Selon l’article L. 153-11 du même code, dans sa rédaction alors applicable : « A compter de la publication de la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme, l’autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l’article L. 424-1, sur les demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan. »

31. Il ressort des pièces du dossier que les arrêtés litigieux du 14 octobre 2016 comportent comme unique motivation de fait que « le détachement des terrains en cause en vue de construire serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur Plan Local d’Urbanisme ». En se bornant ainsi à citer le texte de l’article L. 153-11 du code de l’urbanisme sans préciser celles des dispositions du plan d’urbanisme en préparation dont l’exécution serait rendue plus difficile par le projet d’opération, le maire n’a pas satisfait à l’obligation qui lui est faite de motiver sa décision.

32. Par suite, le groupement foncier agricole Urfie est fondé à demander l’annulation des arrêtés du 14 octobre 2016.

33. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun des autres moyens soulevés par le groupement foncier agricole Urfie n’est de nature, en l’état du dossier, à entraîner l’annulation des arrêtés attaqués.

En ce qui concerne les conclusions à fin d’injonction :

34. Il résulte de ce qui a été dit au point 21 du présent arrêt qu’il y a lieu d’annuler le jugement n° 1703475 du tribunal administratif de Rennes en tant que celui-ci a annulé l’article 2 des arrêtés du maire de La Bouillie du 10 février 2017 prononçant un sursis à statuer sur les demandes du groupement foncier agricole Urfie. Par conséquent, l’annulation des arrêtés du 14 octobre 2016 n’implique pas que le maire de La Bouillie se prononce à nouveau sur les déclarations préalables du groupement foncier agricole Urfie. Il y a donc lieu de rejeter les conclusions à fin d’injonction présentées par le groupement foncier agricole Urfie.

Sur les frais liés à l’instance :

35. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sous les nos 18NT01390, 18NT01392 et 19NT00034 au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Décide :

Article 1er : L’article 1er du jugement du 5 novembre 2018 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu’il annule l’article 2 des arrêtés du maire de La Bouillie du 10 février 2017 et en tant qu’il annule totalement l’article 3 de ces mêmes arrêtés. Les articles 2 à 4 du même jugement sont annulés. L’article 3 des arrêtés du maire de La Bouillie du 10 février 2017 est annulé en tant que la durée qu’il fixe aux sursis à statuer prononcés par leur article 2 excède la date du 14 octobre 2018.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête n° 19NT00034 de la commune de La Bouillie et des conclusions présentées par le groupement foncier agricole Urfie sous le n° 19NT00034 est rejeté.

Article 3 : Les ordonnances du 6 février 2018 du tribunal administratif de Rennes et les arrêtés du 14 octobre 2016 du maire de La Bouillie sont annulés.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par le groupement foncier agricole Urfie et par la commune de La Bouillie devant le tribunal administratif et devant la cour sous les nos 18NT01390 et 18NT01392 est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au groupement foncier agricole Urfie et à la commune de La Bouillie.